Les Rolleicords constituent une série parallèle aux fameux Rolleiflex de Rollei. Le premier Rolleicord a fait son apparition dans les années 1930, et le modèle final de la gamme a vu le jour à la fin des années 1970. Alors que les Rolleiflex se destinaient essentiellement au marché professionnel, les Rolleicords, eux, s’adressaient au grand public. Disposant en effet d’un fonctionnement simplifié, leur prix était nettement plus abordable. Les derniers modèles bénéficient toutefois d’une excellente réputation et nous nous intéressons ici à un Rolleicord Vb, modèle parmi les plus aboutis.
Sommaire
Design
D’aspect, le Rolleicord est très proche de son grand frère, le Rolleiflex. Appareil bi-objectif, il présente deux optiques superposées. L’objectif de visée se trouve au-dessus, l’objectif de prise de vue en-dessous. Ce look rétro produit toujours son effet chez toute personne qui n’est pas familière des Twin Lens Reflex (TLR).
Il y a toutefois deux points importants qui distinguent le Rolleicord du Rolleiflex (en dehors du nom Rolleicord écrit sur la face de l’appareil, hein, on est d’accord : ça ne compte pas).
Tout d’abord la manivelle d’avancement du film, élément caractéristique sur les Rolleiflex, est absente sur le Rolleicord Sur ce dernier, c’est une grosse molette placée sur le côté, en lieu et place de la manivelle, que l’on tourne pour avancer le film.
Second point de divergence : le déclencheur. Celui ci ne prend pas la forme d’un bouton situé dans l’angle inférieur quand vous tenez l’appareil en main. Il s’apparente à un petit levier, placé directement sous l’objectif du bas et que l’on pousse d’un côté pour l’armer, et de l’autre pour déclencher.
Fonctionnement
Avant de charger une pellicule dans l’appareil et de commencer à l’utiliser, si vous êtes d’un naturel tête en l’air, vous devriez commencer par régler la sensibilité du film sur la molette dédiée. Ce n’est en fait qu’un mémo destiné à vous rappeler quelle est la sensibilité de la pellicule chargée dans l’appareil.
Le chargement du film s’opère comme sur les Rolleiflex et autres TLR. Le dos de l’appareil se déverrouille en basculant un loquet situé sur le bas. On charge sa pellicule de film 120 dans le réceptacle du bas et on place en haut une bobine vide qui va, elle, recevoir le film au fur et à mesure de la prise de vue.
Le Rolleicord a beau être une version simplifiée du Rolleiflex, il ne bénéficie d’aucun automatisme et n’embarque pas de cellule. Le photographe est censé se reporter à un tableau présent sur le dos du Rolleicord. Celui-ci liste tous les cas de figure (conditions de lumière ou type de sujet) et donne pour chaque situation et pour chaque sensibilité de film un nombre, une valeur d’exposition (Exposure Value, ou EV).
Système d’exposition
Le photographe, avec l’appareil en mains, enfonce le levier qu’il a sous les yeux et qui se trouve sur la droite de l’objectif de prise de vue, pour positionner un point rouge en face de la bonne valeur EV. Il peut ensuite choisir, à l’aide du levier situé sur la gauche, un des couples vitesse d’obturation / ouverture de diaphragme associé à cette valeur. Un même nombre EV correspond à plusieurs couples Vitesse d’obturation / Ouverture de diaphragme équivalents. Par exemple le nombre 13 correspond au couple f/8 à 1/125 s, mais aussi au couple f/5,6 à 1/250 s ou encore au couple f/11 à 1/60 s. Les combinaisons de paramètres défilent dans les deux petites fenêtres f et t.
Le photographe doit donc retenir le couple qui l’intéresse le plus, en fonction de la vitesse ou de l’ouverture qu’il souhaite privilégier.
Ce système est censé faciliter la tâche du photographe, qui doit pouvoir s’y retrouver sans cellule, mais bon… quiconque a utilisé un Rolleiflex ou un Yashica Mat préférera leur système basé sur deux petites molettes dédiées, une pour les ouvertures, l’autre pour les vitesses, et le rappel de ces paramètres sur le dessus de l’appareil. Un fonctionnement moins alambiqué, plus pratique que le système du Rolleicord (qui est aussi celui du Rolleiflex T, à propos).
Il est bien sûr possible de s’affranchir complètement de l’approche par le nombre EV et de choisir ses paramètres d’exposition en faisant complètement abstraction du tableau placé au dos du Rolleicord. Celui-ci n’a en fait qu’une fonction d’aide à la décision ou de pense bête pour le photographe débutant qui ne disposerait pas d’une cellule. Un photographe un minimum averti va jouer successivement avec les deux leviers du Rolleicord de façon à obtenir les paramètres de son choix.
Sur le haut de l’appareil, le capot s’ouvre sur le dépoli pour opérer la visée. Le capot qui a alors basculé au dessus de la façade, peut être enfoncé pour faire sortir une loupe au dessus du verre de visée. Elle permet de gagner en précision, ce qui n’est pas du luxe car sachez que les viseurs, bien que spacieux sur les TLR, sont toujours un peu terne et sombres, et que le Rolleicord ne fait pas exception.
Le déclenchement
Le déclencheur est assez curieux et inhabituel, presque inconfortable, même, si vous êtes familier d’autres TLR. Son placement sous l’objectif de prise de vue est un peu incongru. Lorsque vous tenez l’appareil en mains et Il faut le pousser sur le côté droit pour l’armer. Il revient alors à sa position initiale. Vous pouvez ensuite déclencher en le poussant tout à fait à gauche. Rien qui soit rédhibitoire dans ce fonctionnement, mais le système est nettement moins pratique que sur les autres TLR. On a souvent peur de modifier, même légèrement, son cadrage en appliquant cette pression latérale sur le boîtier.
Exposition multiple
Point assez curieux : alors que sur les Rolleiflex, le système d’armement agit comme une sécurité empêchant de réaliser des doubles expositions, le Rolleicord quant à lui laisse la possibilité d’exposer plusieurs fois une même vue. Pour cela il faut abaisser un petit levier situé près de l’optique de visée. Elle dévoile un point rouge. Lorsque la double exposition est permise, le déclencheur peut être armé sans que le film soit avancé.
Qualité d’image
En, dehors de ces bizarreries qui ne surprendront qu’un photographe déjà familier des TLR, le Rolleicord Vb a tout pour plaire. Sa qualité optique est à la mesure de sa robustesse, et il délivre de superbes images. Il est recommandé de ne pas l’utiliser à pleine ouverture (F/3,5) mais de fermer un peu le diaphragme pour gagner en piqué.
La distance minimale de mise au point est de 90 cm par défaut. Grâce aux rolleinars, compléments optiques très utiles permettant de réduire celle-ci, il est toutefois possible de photographier des sujets plus proches.
Verdict
Les Rolleicords, sont sans doute un peu moins agréables à manier que les Rolleiflex, mais nettement moins coûteux aussi. Les modèles les plus évolués comme le Rolleicord Vb constituent un très bon choix pour quiconque souhaite se lancer dans le moyen format 6×6 et goûter à la qualité Rollei sans se ruiner.
Avantages et inconvénients du Rolleicord Vb
On aime
- Excellent rapport qualité/prix
- Qualité d’image
- Qualité de fabrication
- La possibilité d’exposition multiple
On aime moins
- Le paramétrage de l’exposition
- Le déclencheur
13 commentaires
M. Le Mandat
Intéressant article sur un appareil un peu oublié par rapport aux autres Rolleiflex et qui réhabilite le Rolleicord. Je partage les pour et les contre cet appareil notamment le réglage par indice de lumination que je n’ai jamais trouvé bien commode. La visée sur le dépoli est sombre ce qui oblige ceux qui s’en servent régulièrement à changer le dépoli et en adopter un plus lumineux mais il dispose d’un mode multiformat appréciable.
Dominique
Bonjour et merci pour cet article très intérressant qui permet de mieux comprendre les spécificités du modèle.
Pour ma part je viens de faire l’acquisition d’un Rolleicord V, en parfait état. Ma première pellicule vient d’être prise, mais j’ai un souci qui me semble anormal, mais débutant dans le moyen-format peut être est-ce moi le problème ??
Le chargement de la pellicule se passe parfaitement bien, les prises de vue aussi. Mais arrivé à la vue n°12 (la dernière), une fois celle-ci prise, il se passe 2 choses anormales :
1. le bouton d’avancement du film reste bloqué, je ne peux donc pas finir d’enrouler le reste de la pellicule sur le rouleau récepteur.
2. Même si la sécurité de double exposition est active (et elle fonctionne très bien pour toutes les autres vues), je peux reprendre autant de fois que je veux mon 12eme cliché…
J’ai donc fini par ouvrir l’appareil dans le noir pour finir d’enrouler la pellicule à la main. Mais c’est un peu embêtant… Est-ce moi le problème ?
Merci de vos lumières !!
Romain
Bonsoir Dominique,
Il est normal de sentir une légère résistance, lorsque vous arrivez en fin de pellicule, car la pellicule se détache de sa bobine initiale pour s’enrouler complètement sur la bobine réceptrice. La molette tourne un peu moins bien sur ce détachement, que l’on perçoit, mais il n’y a pas besoin de bourriner normalement. Est-ce que vous avez bien fait le chargement dans les règles de l’art, en alignant les flèches présentes sur le papier avec le repère de couleur visible à l’intérieur de l’appareil ? Le souci que vous décrivez me fait penser à un chargement qui ne serait pas optimal…
Pour moi, le point 2 pourrait être lié au point 1 par ailleurs.
N’hésitez pas à me donner de vos nouvelles.
Bonnes photos !
Romain
Dominique
Bonjour et merci pour votre réponse.
Je pense simplement que l’appareil (plus tout jeune… 1956 tout de même !) avait juste besoin de tourner et d’être utiliser !
En effet le problème était identique à vide : tout fonctionne très bien jusqu’à la vue numéro 12 où la molette ne veut plus tourner.
Il y a sur le côté un petit curseur qui détecte si le fond est ouvert ou fermé. J’ai donc refait l’opération en maintenant avec le doigt ce petit curseur enfoncé. Et arriver à la vue numéro 12 miracle : la molette veut bien continuer de tourner et le petit point dans le rond apparaît.
Je n’ai pas encore rechargé de pellicule mais depuis tout semble normal !
J’ai hâte de voir le résultat de mon 1er essai, car juste la vision du dépoli est à elle seule une source de plaisir !
Olivia Petit
Bonjour, trouve-t-on encore de la pellicule pour le Rolleicord (du 6×6 je crois) ? Dans quel type de commerce ? Où les faire développer ? J’en possède un des années 40 ou 50 et j’aimerais beaucoup pouvoir l’utiliser à nouveau. Merci beaucoup pour votre réponse.
Romain
Bonsoir Olivia,
Bonne nouvelle : oui, on trouve encore du film pour le format 6×6, et même sans trop de difficultés. Ce film, plus souvent appelé film 120, se trouve dans les boutiques photos spécialisées, type Prophoto, ou Phox. Vous pouvez en commandez en ligne sur de multiples sites, type digixo.com, digit-photo.com, et même… sur Amzon !
Les références de film 120 restent aujourd’hui nombreuses pour ce type de format, et offrent un large éventail de possibilités au photographe.
Je vous invite à découvrir la section Films du site et à filtrer les films 120 pour en découvrir quelques uns.
Pour le faire développer, vous pouvez vous rapprocher des magasins ou de services en lignes. Je fais souvent développer mes films (couleur) chez Negatif + par exemple.
J’espère que vous pourrez vite essayer votre appareil, le Rolleicord est une merveille !
Romain
Alain
Le système de réglage par EV qui n’est pas toujours pratique est une mode des années 50 et 60 on le trouve en particulier (pour ceux que je connais bien) sur les Hasselblad mais aussi sur les Voigtlander Bessamatic et les Retina à objectifs interchangeables, IIc IIIC Reflex et le fabuleux IIIs (j’adore).
JUANEDA ALAIN
Bonjour ,question : ou se trouve le retardateur sur un Rolleicord Vb
merci
Romain
Bonjour,
Pour enclencher le retardateur sur le Rolleicord (10 secondes approximativement), il faut positionner le petit levier qui se trouve près de l’objectif du haut sur la lettre V. Armer l’obturateur puis déclencher comme d’habitude ensuite.
Romain
Damien
Très bon article sur ce petit bijou.
Je vois quelques précisions à ajouter. À vous de voir si vous les rangez dans les avantages ou les inconvénients :
– Déclenchement très silencieux (comparé à un SLR)
– Possibilité de changement très facile du verre dépoli.
– Possibilité d’adapter un prisme de visée en lieu et place du capuchon.
– Visée « sport » possible, mais pas de second miroir pour contrôler la netteté comme sur certains Rolleiflex.
– Possibilité d’ajouter un petit bouton déclencheur en lieu et place d’un déclencheur souple, ce qui, à mon goût, améliore nettement l’ergonomie du déclencheur.
– Plusieurs format possibles comme évoqué en commentaire. Possibilité d’utiliser du film 135 avec Rolleikin. Très pratique pour le portrait à la verticale.
– Le système d’exposition par indice d’exposition peut décontenancer certains photographes, mais il reste du même genre que celui du Hasselblad série 500, en beaucoup plus ergonomique !
Comparé au rolleiflex, les deux curseurs tournent dans le même sens que les vieux rolleiflex old standard, mais également dans le même sens que les molettes des Rolleiflex plus récents. La logique est conservée, ce qui évite d’avoir les yeux rivés sur les valeurs affichées dans la lucarne, et permet des ajustements d’exposition assez rapides avec un peu d’habitude.
Romain
Bonjour Damien,
Merci pour votre message et pour ce précieux complément d’information au sujet du Rolleicord. Un appareil que je ressors toujours avec beaucoup de plaisir, et qui m’apporte toujours autant de satisfaction.
Romain
Gilbert
Bonjour. J’ai récemment acheté un Rolleicord IV, qui donne de bons négatifs, mais je suis très déçu de la visée très sombre. Au point qu’on voit parfois difficilement notre cadrage. Je viens de commander un Yashica Mat 124 pour éliminer ce PB. J’aimerais tout de même bien trouver un autre dépoli plus lumineux, et pas trop cher, pour mon Rolleicord. Ceux que j’ai vus sont au prix que j’ai payé mon appareil…
Romain
Bonjour Gilbert, et merci pour votre message. Eh oui, vous avez bien identifié un des points noirs de la série des Rolleicord/Rolleiflex : la visée est malheureusement très sombre et il m’arrive régulièrement de pester, car on y distingue pas grand chose dans certaines conditions de lumière, tant en intérieur qu’en extérieur… j’avais commencé à me renseigner pour remplacer le dépoli d’origine sur certains de mes modèles, mais le tarif prohibitif m’a rapidement fait renoncer à ce projet. J’ai bien peur de ne pas pouvoir vous apporter conseil.
Bon courage dans vos recherches.
Romain